Par décision de justice, les deux fondations proches de l’opposant Navalny ont dû fermer leurs bureaux, avant même d’être déclarées « organisations terroristes ».  

En Russie, la justice est tellement prévisible qu’on applique ses décisions avant même qu’elles ne soient rendues.
C’est à peu près ce que nous explique le quotidien Kommersant en évoquant la fermeture ce lundi de tous les bureaux en Russie de deux fondations proches d’Alexeï Navalny, la FBK (fondation anti-corruption) et la FZPG (fondation pour la protection des droits des citoyens). Ces deux organismes constituent, ou constituaient, ce qu’on appelle en Russie le « mashtab », le QG de la franchise Navalny, le noyau dur de soutien à l’opposant empoisonné puis emprisonné… En clair, le dernier embryon d’opposition politique au système poutinien en Russie.

On savait bien, depuis quelques temps, que le Kremlin voulait faire reconnaître ces organisations comme « terroristes » (au même titre que Daech par exemple) pour les condamner une bonne fois pour toutes à la clandestinité ou à la disparition ; mais ce qui est fort, insiste Kommersant, c’est que le pouvoir a obtenu leur silence sans même aller au bout de cette procédure judiciaire. Il l’a fait, un peu à la surprise générale, en lançant une autre procédure, devant un procureur moscovite, pour faire cesser à effet immédiat les activités des deux fondations dont les dirigeants ont fait savoir qu’ils se pliaient à cette obligation, mais officiellement à titre temporaire et pour protéger la sécurité de leurs collaborateurs.  

Pourquoi une telle précipitation ? sur le site Lenta.ru, le procureur explique qu’il fallait au plus vite faire cesser la subversion et le trouble à l’ordre public créé par les actions illégales des fondations Navalny, qui ont par exemple organisé des manifestations non-autorisées à travers le pays mercredi, en soutien à l’opposant en grève de la faim.

Mais plus sûrement, dans l’entourage d’Alexeï Navalny et dans l’éditorial du Washington Post, la vraie motivation de cet empressement judiciaire ne fait guère de doute : ce qui gênait le Kremlin chaque jour un peu plus, c’était le travail fait sur le terrain par les militants pour organiser un vote utile aux élections prévues pour septembre, favoriser le report de toutes les voix de l’opposition sur le candidat dans chaque circonscription qui aura le plus de chance de battre celui du parti présidentiel. Ce travail-là a déjà commencé à porter ces fruits et à fragiliser le camp du Kremlin lors d’élections locales précédentes. On sent aussi ses effets dans les derniers sondages ; il fallait donc agir vite, quitte à adopter, comme l’écrit The Washington Post « des mesures répressives plus sévères et radicales que tout ce que l’on avait pu voir en Russie depuis la chute de l’Union soviétique« .  

Ce mouvement répressif ne se limite pas au réseau Navalny. Il y a aussi, constate le Post, un volet de censure médiatique contre les derniers tenants d’un journalisme indépendant du Kremlin en Russie : la radio financée par les Etats-Unis Radio Free Liberty et le site d’info hébergé en Lettonie Meduza viennent de se voir obligés d’accompagner toute publication d’un message indiquant qu’ils sont des « agents de l’étranger« . 

Radio Free Liberty a décidé de refuser cette obligation, mais encourt pour cela des centaines de millions de roubles d’amendes chaque année. Meduza n’a pas les moyens de se permettre cette désobéissance, alors le petit média a publié un article ce lundi pour expliquer à ses lecteurs ce qu’être considéré comme un agent de l’étranger veut dire, en terme de contraintes légales qui au final risquent fort de paralyser le travail de la rédaction, pour au final lui coûter la vie. L’article commence sur une tonalité ironique, bravache, mais ne cache pas son inquiétude au lecteur, son incertitude sur l’avenir du journal. Il nous faudrait un miracle pour survivre, nous ne vous promettons rien mais nous vous tiendrons au courant, voilà les derniers mots signés d’Ivan Kolpakov, rédacteur en chef de Meduza.io.  

Dans la presse britannique, un Boris Johnson fragilisé par des fuites venues de son entourage.

Il y a un « chatty rat« , une petite souris un peu trop bavarde au 10 Downing Street, et ses révélations commencent vraiment à faire du tort au Premier ministre. Après l’épisode du bureau de Boris Johnson rénové à grands frais et avec l’argent du Parti conservateur, affaire révélée par l’ancien conseiller tombé en disgrâce Dominic Cummings, voici une autre indiscrétion qui s’étale en Une de tous les quotidiens outre-Manche : BoJo aurait déclaré, en septembre dernier, qu’il « préférait que la pandémie de Covid-19 s’emballe et que les corps de ses victimes s’empilent par milliers » plutôt que de devoir décréter un nouveau « fucking lockdown« , un second confinement… Ce qu’il fera finalement, contraint et forcé, début janvier.   

La phrase, forcément, a choqué, le Premier ministre a dû la démentir personnellement ce lundi… Mais entre-temps, d’autres sources internes au 10 Downing Street l’ont confirmées à la BBC et à ITV

Résultat : « Boris Johnson est dans les cordes« , tel un boxeur en difficulté, selon la Une du Daily Mail, « BoJo a le feu aux fesses« , pour le dire dans ce langage imagé cher au Star ; il est « sous pression » même dans son propre camp, affirme The Guardian… Quand The Independent s’interroge très sérieusement sur les dégâts politiques que toutes ces révélations vont avoir sur l’avenir politique du cher du gouvernement. 

En tous cas, il donne l’image d’un homme qui ne tient plus ses équipes, pas plus que ses propres emballements (d’ailleurs selon Alex Massie, du magazine The Spectator, « au fond, personne ne doute que le bouillonnant BoJo ait prononcé cette phrase qui lui ressemble tant »). Quant à son ancien conseiller de l’ombre Dominic Cummings, il semble avoir juré la perte de son ancien patron, alerte Sean O’Grady de The Independent… pour qui l’heure de la vengeance a bel et bien sonné.

Source : Radio France (Publié le 27/04/2021)